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Asie centrale: la position ambivalente vis-à-vis de la crise ukrainienne

Depuis l’installation de la crise politique en Ukraine, les pays d’Asie centrale se sont jetés dans une tempête de contradiction, d’ambivalence, et d’incertitude. Soutenir Euromaïdan favorisera une expansion de la seconde vague de la révolution qui menacera directement les régimes en place, s’opposera au mouvement, et encouragera les ambitions d’expansion de la Russie. Aujourd’hui, comme toujours d’ailleurs, les pays d’Asie centrale devront trouver une position équilibrée entre ces deux camps opposés.

La crise ukrainienne soulève plusieurs questions de souveraineté et d’identité pour l’Asie Centrale, puisque les pays de la région ont une troisième alternative politique plutôt que de choisir entre Euromaïdan et la Russie. Cette alternative réside dans la solidarité qu’entretiennent les peuples turco-mongols avec les Tatars de Crimée.

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Après qu’Euromaïdan l’a emporté sur Yanukovitch, de vives réactions de la part des politiciens russes ont été observées ; la plupart ayant ouvertement demandé à Poutine d’envahir les pays d’ex-URSS, avec en premier lieu l’Ukraine, afin de l’annexer à la fédération de Russie-comme l’avait entendu Jirinovski dans son discours à la place Pouchkine le 23 février 2014. Même si, les propos radicaux de Jirinovski sont souvent ignorés par les dirigeants des pays voisins, il a été cette fois-ci sérieusement entendu. En effet, une semaine après, les forces russes ont commencé leur entrée en Crimée, comme l’avait «demandé» le chef du parti radical LDPR. Très vite le Kazakhstan et le Kirghizstan ont envoyé une note diplomatique au gouvernement russe afin de demander des explications sur les propos de Jirinovski, tout en exprimant leurs inquiétudes sur ce type de discours public.

Pour bien comprendre le raisonnement des régimes en Asie centrale, il convient de distinguer la potentialité des menaces qui planent sur eux. Certes, les révolutions sont «contagieuses», et l’Occident souhaite aussi un changement des régimes en Asie centrale. Mais la première vague de ce type de soulèvement s’est soldée par un échec malgré un financement important par les Etats-Unis via des ONG. Au Kirghizstan cependant, des désordres catastrophiques avec des retombées dans la même orientation politique ont décrédibilisé les révolutions en Asie Centrale. En somme, pour l’Asie centrale, la révolution n’est pas une perspective aussi effrayante qu’une menace d’expansion de la Russie peut l’être.

On peut voir cette même attitude de méfiance dans les réactions suscitées par la crise ukrainienne, s’agissant d’avantage d’une crise de la Crimée pour ces pays. Non seulement la question se pose sur l’intégrité des territoires des pays d’ex-URSS, mais aussi sur les minorités russophones en Asie centrale, surtout au Kazakhstan. Ces dernières années le territoire de ces pays a été mis en doute par les nationalistes russes, qui réclament les régions au Nord du Kazakhstan, avec le même type d’arguments — ces régions étant peuplées majoritairement par des russophones. Les autres pays de la région ne seraient pas épargnés si l’intégrité territoriale du Kazakhstan venait à être menacée. Ce type d’intervention mettra en question toutes les frontières des pays d’ex-URSS et réchauffera des conflits gelés, ce qui pourrait déstabiliser toute la région.

Le retour massif de l’influence russe dans les pays d’Asie Centrale constitue une seconde sérieuse menace pour la région, dans la mesure où la crise ukrainienne risque d’aboutir à une dégradation des relations avec les partenaires occidentaux pour la Russie, ce qui engendrerait une concentration intense des intérêts russes en Asie centrale. Malgré la diversification des partenaires économique et politique, les pays d’Asie centrale sont restés fortement dépendant de la Russie, notamment le Kazakhstan et le Kirghizstan qui sont déjà dans l’union douanière. Le départ d’Ukraine de l’union et l’affaiblissement des relations de la Russie avec l’UE sera une pression directe sur ces pays.

Récemment la proposition du parti de Poutine, Russie Unie, sur la distribution des passeports russes aux populations des pays d’ex-URSS ayant connaissance de la culture et de la langue russe, est une raison de plus pour mettre en garde les pays d’Asie centrale.

Enfin, avec la montée en puissance de la Russie ces dernières années, on observe une forme de solidarité parmi les pays d’ex URSS turco-musulmans afin de préserver leurs identités et leur souveraineté. Cet esprit anti-russe, mais non anti-Russie, est aussi le résultat de la répression morale engagée contre les migrants, essentiellement composés de peuples turco-musulmans, mais également une conséquence de la prise de supériorité dans les comportement russes . L’appel du leader des Tatars de Crimée, Mustafa Jemilov, le 6 mars, lancé à des pays comme le Kazakhstan, l’Azerbaidjan et la Turquie, contre une expansion russe en Crimée, est une tentative d’instrumentalisation de cette identité commune. De leur côté, les Etats-Unis ont essayé d’appuyer cette identité turco-musulmane, ennemie historique des russes. L’échange téléphonique entre Obama et Nazarbayev le 6 mars atteste cette stratégie.

La plupart des experts de la région ont mis en avant un possible rapprochement entre les pays d’Asie Centrale afin de préserver leur souveraineté contre l’expansion russe. Il ne sera cependant pas si simple de réunir des pays qui ont construit leurs identités nationale sur la rivalité entre voisins.